Casenoves

Sur la même rive que Régleille, à 2 kilomètres en amont d’Ille, s’élève une tour encore assez bien conservée et les ruines du village qui fut Casenoves. Son nom est cité pour la première fois dans le texte de 1173. Il s’agit du document, déjà mentionné, lequel Alphonse d’Aragon fait défense aux habitants des villages voisins, parmi lesquels Casenoves, de molester la communauté de Régleille.

Le village de Casenoves n’a jamais compté qu’un petit nombre d’habitants. Le dénombrement de 1351 lui attribue 5 feux. Cependant des moyens défensifs analogues à ceux de Régleille, avaient été organisés pour protéger le village qui, par sa situation, était exposé aux incursions des pillards.

Son territoire s’étendait vers Montalba, des deux côtés du torrent. Des documents du XIIIe siècle citent divers points de son terroir dont les noms se sont transmis jusqu’à nos jours. Puig-pedros, Puigsinell, Bellagre, la Roca d’en Marsal, la Falguera, Roc del Duch, etc… Du côté du Midi, cette paroisse s’étendait au delà de la rivière et allait jusqu’aux murailles du Couvent et jusqu’au pont dit dels Arenys.

Les documents sur Casenoves sont peu nombreux. En 1287, les registres de l’Hôpital mentionnent un échange de terres entre l’Hôpital d’Ille et le clergé de Casenoves . En 131, Ségarius de Perapertuse, seigneur de Montalba, donne à acapte ) Guillaume Ferrer, d’Ille, les pâturages de Montalba, usque ad terminale de Casianovis, scillieel usque ad locum vocatum Puig Pedros. Il renouvelle cette concession en 1322.

La famille noble d’Ille a été pendant quelque temps titulaire de la seigneurie de Casenoves . Celle-ci a appartenu ensuite à deux, et même à trois co-seigneurs. En 1309, Pons de Caramany possédait un tiers de cette seigneurie. L’an 1642, celle-ci était partagée entre le vicomte d’Ille et la communauté des prêtres de l’église Saint-Guillaume de Perpignan. Cette situation s’est maintenue jusqu’en 1789, date à laquelle les co-seigneurs de Casenoves étaient don Joseph de Copons, commandeur de ‘Malte, représentant le clergé Saint-Guillaume, et le duc de Médinaceli, vicomte d’Ille.

L’église de Casenoves était consacrée aux saints Just et Pasteur. Malgré ses faibles proportions, et en dépit de l’état misérable de ses ruines, elle ne devait pas être dépourvue d’ornements. Le 8 mai 1406, un peintre, François Ferrer, déclare avoir reçu de la commune de Casenoves 40 livres, 5 sous pour la confection d’un retable de l’église. En 1415, Jaume Léris laisse à son neveu 115 sous barcelonais, une partie de cette somme devant servir à l’achat d’une chasuble destinée à la fabrique de l’église.

Cette paroisse vivait alors d’une vie propre et assez active. Cent ans plus lard, elle fut rattachée à celle d’Ille, et toutes ses ressources, ainsi que tous ses bénéfices, furent attribués à l’Eglise de cette ville.
Le 3 mars 1538, Philippe de Josa, intervenant en tant que presbiter major ecclesiarum de villae de Insultae et patronus ecclesiae lotis de Casisnovis, réclama la dâme que le clergé avait coutume de percevoir sur les raisins, les olives, le lin, le chanvre et les légumes récoltés sur le terroir de Casenoves. La suppression de la communauté religieuse et de toute vie municipale ne suspendit pas, en effet, le recouvrement des droits seigneuriaux et ecclésiastiques. Ces droits subsistèrent si bien qu’en 1644, les co-seigneurs firent un capbreu général des possessions tenues pour leur compte. Ce document contient plus de 172 reconnaissances ; plusieurs particularités le caractérisent.
D’une part. l’énumération des tenanciers montre que ce n’étaient pas seulement de petites gens qui possédaient des tenures à Casenoves, mais aussi des familles nobles et fortunées, telles que les Andreu, les Dulçat, les Corneilla, les Mauran, etc… qui payaient au co-seigneurs et au clergé le cens et la dâme.

D’autre part, la contenance des terres est mieux précisée que dans les autres capbreus dont il a été déjà question. Les parcelles situées sur les pentes de la montagne sont affectées d’un cens infime malgré la valeur des oliviers et la qualité du vin produit par les vignes. Par exemple, 6 ayminates à Puigsinell payent un cens de 3 sous 6 deniers. Quant aux terres en bordure de la rivière, les plus exposées aux inondations sont taxées à un taux très bas; le cens est réduit : à 6 deniers pour 3 ayminates de jardin propter aquarum Tetis inundationes.
Les parcelles à l’abri des crues sont généralement données à bail emphytéotique à portion de fruit.

Enfin, on constate que, parmis les tenanciers de Casesnoves, aucun n’est indiqué, en 1644, comme habitant du hameau. Il faut en conclure que, dàs cette époque, le village était entièrement abandonné, soit par suite des évènements militaires de 1640 qui affectèrent particulièrement cette région, soit comme le veut la tradition, que la peste de 1932, signalée comme particulièrement meurtrière, ait décimé les derniers habitants du village.

Bibliographie : Emile & Léon Delonca, Un village en Roussillon
Photos : Jacques Brest

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